Puzzle bosniaque

J’ai un peu de mal avec l’ambiance qui règne en Bosnie.

Je n’y suis pas à l’aise. Le mot est faible.

Quand je vois la cafet’ d’un supermarché, avec d’un côté la « partie » hommes séparée de la partie « femmes » par un mur, (un mur, hein, pas un muret), moi, ça ne me donne pas envie d’aller boire un café.

Je peux me plier au respect culturel et ethnique, mais je peux aussi m’abstenir de consommer dans ces conditions. Dont acte.

En Bosnie, il y a deux entités. La république de Bosnie et Herzégonine (B i H) tendance musulmane et la République Serbe de Bosnie (RS) tendance orthodoxe, la première chapeautant la seconde depuis les accords de Dayton.

Dans la douleur.

Le territoire de la RS (république serbe de Bosnie) est coupée en deux de surcroît.

en rouge la RS

Il y a une sous-capitale de la RS, Banja Luka, alors que la capitale de la BiH, la « vraie », c’est Sarajevo. Il y a eu même un drapeau de la RS, un hymne, tout ça déclaré inconstitutionnel en 2006, mais toujours utilisé plus ou moins discrètement.

(je vous la fais courte, voici des liens Wikipédia)

Dans notre petite tête d’Européen bien pensant, on a l’image bien ancrée :

Bosniaques =gentils, Serbes = méchants.

(Et on n’en démord pas. Ça s’appelle un schéma de pensée. Mais, parfois, parfois, on devrait voir un peu plus loin que le bout de son nez. Être moins catégorique, moins absolu. Moins, quoi.)

C’est pas tout blanc, tout noir, ça serait trop simple. Y a des gens bien des deux côtés.

Des Serbes et des Croates habitent toujours en Bosnie, et des Bosniaques sont toujours en RS. C’est pas non plus l’apartheid.

On passe donc, en roulant, d’un territoire à l’autre, sans frontière, évidemment, sans presque s’en rendre compte. Mais si ! on s’en rend compte. Si on est sur l’équivalent d’une grosse départementale on a un panneau « bienvenue en République Serbe de Bosnie ». Et tu perçois un allègement, enfin… J’AI ressenti un allègement, plus de voiles, les femmes clopent en terrasse au café, les jeunes filles babillent ou parlent fort pour attirer l’attention des garçons en attendant le bus.

L’alphabet utilisé est soudain cyrillique ( sous-titré en alphabet latin, mais pas toujours pour les villages). A l’inverse, en territoire purement bosniaque, le latin vient en premier, le cyrillique est même souvent tagué.

Donc République serbe de Bosnie
Donc Bosnie tout court

Pareil pour les panneaux de pub, les enseignes de magasins, etc.

Tu passes en RS, plouf, quasiment plus de minarets, alors qu’il y en a partout de l’autre côté.

Tu es côté musulman, les écoles primaires ont leur minaret. (Au début j’ai pensé que c’étaient des écoles coraniques) . Les femmes évidemment ont un voile. Pas toutes, on est d’accord.

Si elles n’en ont pas, soit elles sont Serbes, soit elles arrivent encore à résister à la pression sociale. (les vieilles, quoi).

Et rebelote, les mecs d’un côté, les jeunes femmes de l’autre. Pas dans les grandes villes, enfin pas trop, évidemment, mais dans les petits bourgs, les villages, si.

Il y a quinze ans, je n’ai pas eu, je crois me souvenir, cette même sensation, ce même sentiment de lourdeur.

Pour rajouter à l’ambiance bizarroïde, la Bosnie est devenue une destination de tourisme moyen oriental. Grosse rentrée d’argent. Donc fleurissent les « Resort » exclusivement musulmans, avec application de toutes les règles islamiques en vigueur. Par conséquent, sur les sites touristiques, accompagnées systématiquement par leur père, frère ou mari, les femmes touristes, sont habillées en noir, des pieds à la tête, gants compris, et même lunettes de soleil par temps brumeux. Et tu as l’impression d’être incongrue, vu que ce sont les seuls touristes en ce moment, les moyens-orientaux.. . C’est un peu comme si pendant un voyage organisé, je m’étais gourée de car, j’ai bien senti que je dénotais.

Cherche pas l’erreur de casting, Christine, TU es l’erreur de casting. Surtout qu’avec mon chien, même tenu en laisse, je fous une pagaille pas possible.

J’ ai croisé une dame en noir, en panique, qui n’osait pas aller aux toilettes parce qu’il y avait un chien de 25 cm, en liberté sur son passage.

Je me suis lancée dans une grande et rassurante explication en anglais, et comme je suis une bonne âme, j’ai fait le trajet en passant devant le clébard aller et retour, pour lui montrer qu’il était vraiment inoffensif. Après, je me suis dit que son frère, mari, oncle, père, pouvait affronter le monstre canin pour libérer le passage jusqu’aux toilettes et jouer les héros. Je vais pas non plus changer le monde en cinq minutes.

Tu rajoutes les marchands, les commerçants qui sous-titrent leurs éventaires en alphabet arabe et t’as un moment de doute. J’avoue que je lis couramment le cyrillique, mais que j’ai oublié tout de l’arabe, sauf le K, le M, le CH, et le A. c’est pas suffisant pour s’acheter une glace à la pistache. Donc, j’ai pas acheté de glace et je suis allée voir ailleurs si j’y étais.

Avec pour achever le tout, 76 km de route défoncée et de piste, de nuit, en pleine brume. Ptain, j’veux une Jeep blindée pour Noël. ( Bon, ok, c’est pas bien vu ces temps-ci de désirer follement un truc pareil.)

(Au passage, je me contrecogne d’être bien-pensante et main stream.. L’année que j’ai passée au Maroc m’a durablement traumatisée, en tant que femme, pour que je ne m’attarde pas dans un endroit où je ne me sens pas à l’aise.)

Sinon, concernant la Bosnie toujours, pour ceux qui aiment les romans policiers, il y a deux indispensables dont l’un se déroule en Bosnie à la fin de la deuxième guerre mondiale, au moment de la libération de Sarajevo par … les Serbes, vécu du côté allemand ! J’ai lu les deux en trois jours. Une de mes meilleures lectures de 2019.

La maison pâle et Les cendres de Berlin, tout deux de Luke Mac Callin.

C’est tout pour aujourd’hui…

Publié par l'excédée

aquarelle, jardinage, David Austen, Yourcenar, Marc Aurèle, Rome, bidouilles, semis, camping sauvage, france culture, art nouveau, de stijl, Silverberg, escapades, récup', Gudrun Sjoden.

Un avis sur « Puzzle bosniaque »

  1. Beau résumé d’une situation bien complexe dans ce pays. L’accès à la mer (et la manne financière qui en découle) complique encore la chose.
    Je comprends aisément le malaise, surtout si l’on prends en compte la condition féminine en Bosnie.

    J’aime

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